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Ukraine : pays fasciste ?

Le fascisme est une question brûlante en Ukraine. Depuis des années, l’Etat ukrainien servait d’outil de propagande pour la Russie. L’Etat russe cherche à garder le contrôle de sa zone d’influence en Europe de l’Est, en particulier les pays proches de ses frontières. Or, le coup d’Etat d’Euromaïdan en 2014 a accentué le processus de déliquescence de l’Etat et marqué un rapprochement avec l’Union Européenne et l’OTAN. Cependant nous devons bien nous pencher sur la question, car les conséquences de la fascisation de l’Ukraine impacteront les pays européens et au-delà.

Pour ce faire, il faut s’accorder sur une définition du fascisme. Georgi Dimitrov, le 2 août 1935 lors du 9ème congrès de l’Internationale Communiste, dont il était le secrétaire général de l’exécutif, définit le fascisme comme « le pouvoir du capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. » En résumé, la dictature ouverte et terroriste de la bourgeoisie.

UN ETAT UKRAINIEN, PRIS ENTRE LES INTÉRÊTS DE DEUX BLOCS IMPÉRIALISTES : LA RUSSIE ET L’OTAN/UE

En novembre 2004, l’ors des élections présidentielles en Ukraine, le président sortant Viktor Ianoukovytch devait être réélu, mais immédiatement, une manifestation massive s’organise contre sa réélection, portant la figure de Viktor Iouchtchenko, qui bénéficie de l’appui financier de l’OTAN et l’UE. Après 2 mois de manifestations et de «Lockout» patronaux (un patron décide de fermer son entreprise), des élections sont réorganisées à la hâte : Viktor Iouchtchenko est ainsi élu.

L’Ukraine se rapproche de l’UE et de L’OTAN, tout en conservant des relation avec la Russie, bien qu’amoindrie. Le coup de théâtre qui déclenchera l’Euromaidan sera la réélection de Ianoukovytch en 2010, qui cherche à tout prix à faire le pont entre l’Europe et la Russie, pour ménager les intérêts des différentes Industries tenues par les oligarques-capitalistes ukrainiens. Déjà chassé par les occidentaux, ce sont ces derniers qui le pousseront à la sortie quand il refusera de signer un accord commercial avec l’UE en novembre 2013. L’année suivante, de nouvelles manifestations toujours plus massives sont par la suite organisées, mais elles prendront une tournure beaucoup plus violente. Le pays a continué à se scinder en deux blocs irréconciliables, et les tensions entre la Russie et l’OTAN n’ont fait que s’exacerber, tout comme leur ingérence dans le pays.

LA NATURE DE CLASSE DE L’« EUROMAÏDAN » (2014) ET SES CONSÉQUENCES

Ce mouvement a été porté principalement par une alliance des banquiers occidentaux et une fraction des oligarques ukrainiens, s’appuyant sur une force de frappe organisée, composée de différentes ligues nationalistes directement fascistes comme « Svoboda » (partie politique) ou encore « Secteur droit ». Pour autant, cette crise ne trouvera jamais de résolution à ce jour, même après la destitution du Président Ianoukovytch. Les deux camps opposant une partie des oligarques ukrainiens pro-russes et de l’autre pro-occidentaux ne pouvaient plus reculés. Le mouvement « Euromaïdan » a donc porté Petro Porochenko au pouvoir. La suite de la politique intérieure se traduit par une soumission aux exigences du FMI, et se met en place une politique de rigueur pour le peuple, une mise aux normes du marché pour le prix des ressources et privatisations des secteurs nationalisés, contre des prêts de plusieurs milliards d’euros.

Les russophones et les pro-russes refusent alors le nouveau gouvernement putschiste et de nouveaux conflits éclatent : les régions majoritairement ouvrières et russophones du pays se révoltent, à l’image des régions du Donetsk et du Lugansk, ainsi que la Crimée qui vote son indépendance par un référendum en 2014. Cette dernière se rattache à la fédération de Russie, et les républiques auto-proclamées du Donbass (Donetsk, Lugansk) votent par référendum leurs autodéterminations, et les révoltes de Kharkiv et Odessa sont écrasées par les forces de répression de l’Etat ukrainien, s’appuyant également sur les milices ultra-nationalistes et fascistes.

Nazi ukrainiens
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LA DÉLIQUESCENCE DE L’ETAT UKRAINIEN : UN PAYS SCINDÉ EN DEUX

C’est dans un contexte de crise économique et politique que l’après Euromaïdan prend forme. D’un pas à l’autre, il est nécessaire de rappeler que toute l’Ukraine n’est pas fasciste, ni même nationaliste : en effet, 30% de la population est russophone, et l’histoire officielle de ce pays n’est pas lu de la même manière par toute la population.

Les populations russophones étaient particulièrement nostalgiques de l’Union Soviétique. Ces dernières devinrent rapidement un sujet de crispation au sein de la population. Dans ce pays, la tentation du négationnisme, du révisionnisme bourgeois et réactionnaire frappe les mains déliées et veut effacer toute la complexité de l’histoire du peuple ukrainien. Une forte opposition éclate en réaction dans les régions du pays les plus ouvrières et russophones (en particulier, dans le Donbass). L’Etat ukrainien, siégeant à Kiev – la capitale – se tournant vers l’UE et l’OTAN a montré par sa répression barbare qu’il n’y avait pas de réconciliation possible entre ces blocs. Cette situation fractionne rapidement le pays. Les conflits internes avec la proclamation des républiques populaires du Donbass, et de la Crimée, justifient aux yeux de l’Etat ukrainien la séparation de tout un pan de l’identité de son histoire, de son peuple, dont une partie devient désormais l’ennemi intérieur.

Les communistes ukrainiens sont rapidement ciblés, et leur Parti est interdit en 2015. La censure prend un caractère systémique et totale en faisant disparaître toute référence à la période soviétique de l’Ukraine (destruction de monument à la gloire de l’Armée Rouge…), en pourchassant les communistes où qu’ils se trouvent… en réhabilitant des collaborateurs ouvertement nazis comme Bandera, présentés comme des « héros nationaux ». Le massacre de la Maison des syndicats d’Odessa en 2014 est un point culminant de cette chasse aux sorcières : ce massacre est perpétré par des milices ultra-nationales et fascistes, bénéficiant de la complicité des forces de police, provoquant la mort par le feu de 48 syndicalistes et communistes. Les autorités monteront une enquête bidon qui ne trouvera « aucun coupable » malgré que toute les horreurs du massacres ont été filmées et diffusés. L’interdiction des commémorations de la victoire contre le fascisme (9 mai) sont remplacées par des défilés néo-nazis dans les rues de Kiev, autorisés par l’Etat ukrainien. Ceux ne sont là qu’un des trop nombreux symptômes de la montée de la réaction en Ukraine.

Souviens toi d odessa

QUELLE ATTITUDE TENIR FACE AUX DEUX BLOCS ET À LA MONTÉE DE LA FASCISATION EN UKRAINE ?

La répression sauvage et le musellement en Ukraine des organisations ouvrières et communistes installe progressivement la dictature ouverte du capital financier, au service des capitalistes ukrainiens, qui fait courber l’échine de son pays devant le FMI. Ces éléments se suffisent pour donner une première au stade de fascisation du pays.

Nous pouvons bien entendu aussi parler des symptômes évocateurs tels que la constitution de milices, la corruption profonde de l’État qui tord ses propres institutions formelles et « démocratiques » pour plaire aux oligarques ukrainiens, ou encore la réécriture négationniste de l’Histoire. L’Ukraine est bien un pays grandement contaminé par le fascisme, et la guerre contre les séparatistes du Donbass, provoquant des dizaines de millier de mort, n’a fait qu’amplifier ce phénomène. L’intervention russe n’a pas non plus arrangé la situation. Ce conflit est un creuset où toutes les organisations réactionnaires et néo-nazies du monde prennent part, s’y entraînent et s’y arment. La « campagne de dénazification » de Poutine les fait grandir, et augmente grandement leur influence dans le monde : le risque de débordement sur l’Europe s’amplifie.

Il est donc nécessaire pour les peuples de ne pas se positionner entre le géant impérialiste russe et le géant impérialiste américain : les deux ne cherchent que le pillage, manipulation, sphère d’influence, refus systématiques des volontés des travailleurs et ingérence économique et politique. Que ce soit les positions géostratégiques et militaires, le blé ou le contrôle du marché du gaz, la Russie et les Etats Unis se mènent une lutte intense pour les obtenir. Ces deux pays ont jeté l’Ukraine dans une guerre civile, comme le théâtre d’affrontement entre bourgeoisies impérialistes.

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