Pas une arme, pas un homme, pas un euro pour leur sale guerre en Ukraine !
- Le 06/05/2022
- Dans International
Comme dans de nombreuses guerres où les troupes des pays impérialistes ne sont pas intervenues directement, le débat a surgi sur la question du soutien à apporter aux prétendues “forces démocratiques” en Ukraine, opposées au “totalitarisme russe”.
Comme souvent, notre pays a choisi d’y envoyer des armes et des munitions. Sous couvert de défense de la démocratie, de l’Europe, etc. Rapidement, des critiques se sont multipliées, rappelant la nature extrêmement réactionnaire du pouvoir en place à Kiev, son origine putschiste, la prédominance des milices nazies, etc. Ce qui auparavant et durant les 8 dernières années de guerre était inaudible et ultra minoritaire a d’une manière ou d’une autre trouvé son chemin jusqu’à avoir une place dans le débat public.
Il a donc fallu trouver un autre moyen de présenter la chose. Et une des mesures prises par Zelenski a été parfaite pour le récit dans notre pays : la distribution d’armes à tous les civils qui le veulent.
Il est évident que cela ne pouvait que plaire aux fascistes et aux bande mafieuses, trouvant là le moyen rêvé de s’armer et de passer un saut qualitatif dans la structuration de leurs groupes de combat et de leurs milices. Pour les grands patrons, là aussi c’était l’occasion de militariser leur sécurité privée. Aussi, il n’est pas étonnant que ces différents groupes sociaux et politiques dans leur version française soutiennent ce genre de mesures.
Mais, peut-être plus étonnant de prime abord, un certain nombre d’organisations souvent classifiées à l’extrême gauche (comme par exemple le NPA) ont salué l’envoi d’armes en Ukraine au nom du droit à l’autodétermination des peuples, et à l’auto-organisation des masses. Ces groupes, partis et organisations voient donc dans la situation présente une opportunité pour le peuple de prendre les armes et de donner un tournant révolutionnaire ou indépendantiste à la guerre en cours.
LES COMMUNISTES ET LES PEUPLES EN LUTTE
Avant d’examiner la situation ukrainienne, rappelons la position que les communistes ont tenue, en France et ailleurs, en solidarité avec les peuples en lutte et le droit à l’autodétermination. C’était en effet une des condition d’adhésion à la IIIe Internationale, une des fameuses 21 conditions de Lénine :
« Dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les Partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou opprime des nations, doivent avoir une ligne de conduite particulièrement claire et nette. Tout Parti appartenant à la III° Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux. »
Et le mouvement communiste a démontré à travers son histoire, malgré les critiques qu’on peut lui adresser, qu’il est de ceux qui ont pris position aux côtés des mouvements d’émancipation nationale, contre le colonialisme et la guerre. En solidarité avec l’Emir Abdelkader pendant la guerre du Rif, contre l’occupation de la Ruhr par la France, puis en solidarité avec les peuples opprimés d’Indochine, d’Algérie, d’Afrique du Sud, de Palestine, contre l’impérialisme français et le néocolonialisme qui se poursuivent en Afrique, contre les guerres en Libye, Syrie, Mali, Centrafrique, Yougoslavie, Yémen, … Les communistes ont été présents pour défendre la paix entre les peuples et le droit des nations opprimées à résister comme le seul moyen d’y parvenir.
Dans ce cadre, les communistes ont toujours soutenu la résistance des peuples, quelles que soient ses formes, y compris la lutte armée. Et les communistes eux-mêmes n’ont pas hésité à travers l’histoire à prendre les armes contre la bourgeoisie exploiteuse ou contre les occupants coloniaux et/ou impérialistes.
Cette approche fondée sur les principes de l’internationalisme prolétarien, ne signifie cependant pas de soutenir tout et de tous les moyens, sans conditions.
Au contraire, c’est bien par les cadres qu’ils ont su mettre à cette aide internationaliste que les communistes ont réussi à ne pas se faire les dupes de l’impérialisme international, mais bien à conserver l’indépendance de classe dans leur action et à se mettre au service du prolétariat international. Et c’est bien quand ces principes et conditions ont été abandonnés que l’internationalisme s’est transformé en un simple vernis cachant un ralliement pratique aux intérêts des fauteurs de guerre et marchands d’armes.
Sans oublier que chaque situation a ses propres conditions spécifiques, on peut se rappeler un certain nombre de ces principes généraux.
Tout d’abord, si soutien matériel, financier, humain il faut apporter à une lutte pour l’autodétermination, ce soutien ne s’apporte pas à n’importe qui. Au contraire, une chose primordiale est de savoir à qui le donner et comment ce soutien sera utilisé. La Libye est sûrement dans l’histoire récente un des pires exemples de comment le “soutien aux démocrates” se révèle, une fois le changement de régime effectué, un armement des seigneurs de guerre esclavagistes locaux. C’est pourquoi c’est uniquement vers des organisations portant les intérêts de classe du peuple travailleur qu’on peut envisager d’envoyer du soutien militaire.
Mais aussi, et particulièrement dans les métropoles impérialistes comme la France, il faut insister sur l’idée qu’on ne s’impose pas en soutien à un peuple opprimé en lutte pour sa libération, mais qu’on répond à sa demande. C’est toujours dans ce cadre qu’une aide internationaliste a été demandée - et apportée - aux peuples en lutte, comme par exemple lors des Brigades Internationales Antifascistes contre l’Espagne républicaine, lors de l’écrasement de la tentative de contre révolution en Hongrie en 1956, ou encore dans les soutiens militaires aux peuples luttant contre la colonisation apportés par Cuba en Angola ou au Congo.
Enfin, il est important de se rappeler que la lutte contre notre propre impérialisme, l’un des dangers majeurs pour la paix et l’amitié des peuples, est la meilleure forme de soutien à apporter aux peuples en lutte. Non pas comme une manière de se dédouaner de la nécessaire solidarité à leur apporter, mais bien comme le meilleur soutien à leur apporter : le renversement de notre propre impérialisme, la libération de ce joug qui s’additionne au poids de leur propre classe exploiteuse. C’est d’ailleurs ce que tous les révolutionnaires des nations opprimées répondent lorsque d’autres révolutionnaires sincères des nations impérialistes leur posent la question : que pouvons-nous faire pour vous aider ?
« Abattez votre propre impérialisme, vous ne pourrez jamais faire plus pour nous soutenir. »
UKRAINE : DES ARMES POUR QUI ?
En Ukraine, il n’existe actuellement pas de force organisée et structurée un tant soit peu massive qui soit réellement indépendante du pouvoir bourgeois.
Depuis le putsch Euromaïdan de 2014, le Parti Communiste d’Ukraine (KPU) a été interdit, il était alors la 4e force politique du pays. Les milices néo nazies et partis fascistes se sont développés (on peut citer les plus connus Svoboda et Pravy Sektor). Des listes de gens à faire disparaître ou enfermer se sont développées, ciblant syndicalistes, responsables politiques d’opposition, journalistes dérangeants, etc.
Il y a peu, s’est ajouté à cela l’interdiction de 11 partis et organisations politiques accusés d’être pro-russes. Coïncidence fortuite, ils étaient tous classifiés à gauche et dans l’opposition.
A l’opposé, un certain nombre de milices irrégulières ouvertement néo-nazies ont été intégrées à l’armée régulière depuis plusieurs années, et le dirigeant de Pravy Sektor s’est vu confier l’équivalent du ministère de l’Intérieur.
Dans ce contexte, ces armes distribuées “à la population” ne peuvent au final que tomber dans leur grande majorité entre les mains de groupes fascistes et maffieux. Groupes qui sont en plus souvent liés : les Marseillais se souviendront des bandes de Sabiani ayant massivement collaboré avec les nazi, les italiens voient actuellement les liens entre Casapound et le trafic de cocaïne, les stéphanois connaissent une mafia serbe ayant fait ses armes lors de la guerre contre la Yougoslavie, et la liste est longue…
D’un autre côté, il serait faux de dire qu’il n’existe plus aucune force ouvrière ou antifasciste dans toute l’Ukraine. Des collectifs existent et tentent de survivre, à travers des réseaux syndicaux, communistes, anarchistes ou ultras. Mais il en va maintenant de la responsabilité des organisations politiques françaises qui prétendent défendre les intérêts des travailleurs et le drapeau de l’internationalisme que de garder la tête froide.
Des collectifs sans aucune coordination ni réelle organisation nationale d’au maximum une 50aine d’individus de pourront pas peser de manière décisive sur une guerre impérialiste, civile et sociale poussée à l’extrême au sein d’un pays où vivent des millions de personnes. A l’heure actuelle, il n’existe pas de mouvement de résistance structuré à même de mener ce combat.
Les livraisons d’armes à l’Ukraine seront invariablement confisquées par les forces sociales et politiques les mieux organisées, qui ne laisseront personne barrer leur rôle de partenaires triés sur le volet du monopole de la violence partagé avec l’Etat ukrainien. En d’autres termes : elles refusent au reste du peuple l’usage et la détention d’armes qu’elles ne contrôlent pas d’une manière ou d’une autre.
De la même manière, s’il se formait un mouvement anti-impérialiste anti-capitaliste en Ukraine, soutenir les livraisons d’armes à l’Ukraine serait la pire forme de soutien à lui apporter, puisque cela consisterait à armer son adversaire direct. Et ne parlons même pas de l’envoi de troupes…
UNE AUTRE MANIÈRE DE POSER LE DÉBAT
On pourrait reprocher à l’argumentaire qui précède d’avoir omis un aspect important de la situation, à savoir l’armée russe qui est effectivement en train d’attaquer l’Ukraine, de tuer des civils, bombarder des villes et se livrer à tout ce qu’on peut trouver de pire dans les guerres impérialistes modernes.
On en reviendrait alors à l’argument employé pour défendre l’envoi d’armes en Ukraine, à savoir le droit du peuple ukrainien à se défendre contre l’agresseur russe.
Le problème avec ce raisonnement, c’est qu’il procède de grands principes sans les appliquer à la réalité. Car si les ukrainiens ont bel et bien le droit de se défendre contre les russes, il ne faut pas faire l’impasse sur la différence entre le peuple ukrainien et l’Etat ukrainien. De la même manière, on ne peut pas parler de résistance ukrainienne en ayant en tête quelques actions sporadiques d’individus ou de petits groupes, alors que le reste des actions de guerre est structurée par l’armée et les milices fascistes, qui ne portent pas les intérêts ni de la paix entre les peuples, ni mêmes de la classe des travailleurs en Ukraine.
L’origine idéologique des raisonnements aberrants qui voient un Ukraine “l’auto-organisation des masses” et pourquoi pas une situation pré-révolutionnaire, se situe dans une vision individualiste et spontanée de la lutte, par opposition à la vision défendue par les marxistes (et pas seulement les communistes), qui est celle de la lutte consciente et organisée.
Si les mouvements spontanés existent toujours au sein du peuple, il est clair que c’est uniquement par la lutte organisée, c’est-à-dire la construction et la reconstruction de nos organisations permanentes, que notre classe pourra triompher.
Dans le contexte de rapport de force négatif actuel et de prédominance de l’opportunisme, l’attrait pour le spontanéisme peut être compris. Mais nous devons utiliser les discussions actuelles sur le soutien à la soi-disant “résistance ukrainienne” pour en tirer les conclusions qui s’imposent. Les origines idéologiques du mouvement spontanéiste se situent contre les organisations ouvrières, contre leur discipline et leur collectivisme. Avec le développement des contradictions dans la lutte, ce mouvement se tiendra non pas du côté des travailleurs mais bien contre ses organisations. Et comme une barricade n’a que deux côtés…
Nous partageons la campagne de la FMJD (Fédération Mondiale des Jeunesses Démocratiques) qui demande la libération immédiate des frères Kononovitch Mikhaïl et Oleksandr – actuellement enfermés dans une prison à Kiev – accusés d’opération d’espionnage pour le compte de la Russie et de la Biélorussie. Nous voyons clair dans cette démarche le fait de profiter de la guerre pour se débarrasser de toute opposition politique, particulièrement critique face à la monté en puissance des bandéristes et autres ultra nationalistes en Ukraine. Ce n’est ici qu’un exemple des dérives autoritaires de la bourgeoisie ukrainienne, interdisant ces derniers mois tous les partis jugés « russophones ».
Ukraine guerre fascisme impérialisme OTAN