EN SYRIE COMME AILLEURS : A BAS L’IMPERIALISME !
- Le 12/12/2024
- Dans International
Bachar Al-Assad est tombé. Pour une partie du peuple syrien, notamment les exilés, c’est un soulagement et l’espoir d’un retour à une vie civile normale. La chute de Assad a été salué par nombre de progressistes sincères, notamment de militants actifs dans le mouvement de solidarité avec la Palestine. Pourtant leur joie a été paradoxalement partagée par les ennemis irréductibles des peuples : Netanyahou, Erdogan, Macron, Biden…ont multiplié les déclarations victorieuses.
Alors qu’en est-il réellement ? Le peuple syrien a-t-il été libéré ? Est-ce le retour de la paix ?
Depuis le 27 novembre les djihadistes du Hayat Tahrir al-Cham (HTC) l’ex-Front Al-Nosra (anciennement affilié à Al-Qaïda) et l’Armée nationale syrienne (groupes pro-turc) ont lancé une offensive majeure tenues contre les Forces démocratiques syriennes (FDS – principalement kurdes) et l’armée arabe syrienne. Le régime syrien s’est finalement rapidement effondré avec l’entrée en scène des groupes rebelles du Sud, soutenus par Israël, la Jordanie et les Etats-Unis.
Cette offensive ne peut être déconnectée de la situation régionale et internationale. Le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l’intensification de la guerre en Ukraine ; sont autant d’éléments qui montrent que la confrontation inter-impérialiste mondiale s’intensifie.
La Syrie est le terrain de cette confrontation par forces interposées depuis 2012, date à laquelle différentes factions islamistes et djihadistes ont pris prétexte de la révolte légitime du peuple syrien pour lancer une lutte armée non seulement contre le régime Assad et son clan mafieux et oligarchique mais contre l’unité même de la nation et du peuple syrien, en s’en prenant directement aux minorités confessionnelles et linguistiques. Cette militarisation et balkanisation de la société syrienne a été délibérément encouragée par les Etats-Unis mais aussi par la France, l’ancien colonisateur. Les puissances régionales ont participé au dépeçage de la nation syrienne soutenant divers groupes, envoyant armes, financements et mercenaires. Les pétro-monarchies du Golfe n’ont pas hésité à s’orienter directement vers les factions djihadistes les plus radicales dont Daech et Al-Qaïda.
La répression aveugle par les forces de sécurité gouvernementales, ne faisant aucune distinction entre revendications légitimes (notamment contre l’orientation néolibérale prise en 2005) et ingérences étrangères, a largement participé à aggraver la situation ; comme l’a souligné le Parti communiste syrien (qui participe de manière critique à la coalition gouvernementale) et d’autres forces ouvrières et progressistes (par exemple le Front populaire pour la libération et le changement – dans l’opposition).
Dans les régions nord de la Syrie -appelées Rojava par les Kurdes – les populations ont été laissées à elles-mêmes et se sont organisées pour assurer leur autodéfense face aux gangs mafieux et terroristes ; avec l’accord tacite du gouvernement central. En 2015, ces forces hétéroclites menées par les YPG – Unités de protection du peuple -parviennent à sauver Kobané de Daech et des mercenaires turcs, sauvant une grande partie de sa population d’un massacre certain.
A partir de 2014-2015 les Occidentaux puis la Russie interviennent directement sur le terrain ; sous prétexte de lutter contre le terrorisme. En réalité il s’agissait avant tout de défendre leurs intérêts économiques, stratégiques et géostratégiques dans le pays et la région. L’hypocrisie occidentale est totale, des groupes comme Lafarge n’hésitant pas à financer Daech et d’autres mercenaires pour sécuriser leurs intérêts. Les troupes américaines, prétendument envoyées pour appuyer les FDS les ont en réalité dévoyées et finalement abandonnées. Elles occupent toujours certaines parties de la Syrie, concentrées autour des puits pétroliers.
La Russie n’est pas en reste, et a marchandé son aide militaire contre de nombreux avantages pour ses monopoles, et fait pression pour la poursuite des « réformes » néolibérales, pourtant en grande partie à l’origine de la crise. Elle a également placé sous sa protection des groupes rebelles qui se sont finalement retourné contre Assad ; qui a finalement été abandonné par la Russie. La chute de Assad n’est pas tant une défaite pour l’impérialisme russe, qui n’avait plus d'intérêts à soutenir son régime exsangue et a visiblement négocié avec les djihadistes le maintien de ses bases militaires sur la côte occidentale.
Malgré tout, le peuple syrien, dans toutes ses composantes et sa diversité, n’a pas été immédiatement vaincu et le pays n’a pas été démantelé et morcelé en une multitude de semi-Etats vassaux des puissances locales et internationales. La Syrie a également maintenu sa diplomatie de soutien à la Résistance palestinienne et libanaise.
Les ennemis de la Syrie ont donc imposé une série de sanctions qui ont directement impacté le peuple syrien dans le but de détruire petit à petit tout sentiment national. Les forces djihadistes repliés à Idleb ont bénéficié de financements massifs des Etats-Unis, comme l’ont révélé des documents publiés par Wikileaks.
Malgré son caractère bourgeois et autoritaire, voire kleptocratique, l’Etat syrien demeurait donc un obstacle aux objectifs des impérialistes occidentaux et de l’Etat colonial israélien (qui occupe le plateau Golan, une région syrienne, depuis 1967). Il n’est aussi pas surprenant que cette offensive turco-djihadiste ait lieu peu de temps après le cessez-le-feu au Liban et le retrait des troupes israéliennes. Le Hezbollah et la Russie étant sur d’autres fronts, c’est le moment rêvé pour l’OTAN -en particulier la Turquie - et Israël de prendre leur revanche sur le peuple syrien résistant.
Communistes agissant sur le territoire de l’Etat français notre rôle est de dénoncer l’impérialisme et les agissements de « notre » bourgeoisie. Celle-ci et ses relais médiatiques tentent de réécrire l’Histoire, de faire oublier sa propre complicité dans le carnage de la guerre civile syrienne par ses multiples ingérences. N’oublions pas qu’une partie de la gauche porte une partie de la responsabilité : en 2012, des organisations de gauche et d’extrême gauche n’ont-elles pas appelé à fournir des armes à la « rébellion syrienne », avant de plus tard retourner leurs vestes et soutenir les YPG (alors que les mêmes YPG combattaient les armes à la main la même « rébellion ») ? Et ce alors que les forces d’opposition démocratiques et progressistes s’opposaient à toute militarisation de la révolte et dénonçaient un détournement de la contestation par des forces réactionnaires et leurs appuis extérieurs.
« Revendication » d’ailleurs bien inutile puisque l’ex président Hollande se vanta après coup d’avoir ordonné de telles livraisons d’armes. Ces armes seront retrouvées dans les bases de Daech en 2018.
Bien des internationalistes ont oublié que leur premier devoir doit être non de fantasmer la révolution de l’autre côté de la Méditerranée mais de combattre l’impérialisme de sa propre bourgeoisie, ses plans et ses alliances ; qui conduisent les peuples dans la guerre et la misère.
Se retrouver aux côtés des ennemis des peuples que sont Erdogan, Netanyahou, Biden, Macron et les monarques du Golfe ne doit-il pas a minima appeler à un recul critique, malgré tout le dégoût que pouvait inspirer l’ancien régime ? Si Assad ne pouvait être appelé un ami du peuple palestinien, la Syrie pouvait néanmoins servir de base arrière à la Résistance palestinienne et libanaise et de lien de ravitaillement. Comme l’a exprimé le Parti communiste palestinien, ce lien est désormais coupé et le premier gagnant est l’Etat sioniste. Ce dernier a largement participé la chute du régime par ses frappes continue contre les milices chiites notamment du Hezbollah et contre l’armée syrienne.
Depuis la chute de Assad, l’armée israélienne multiplie les frappes et a déclenché une invasion dont l’ampleur reste à déterminer.
Notre soutien aux forces résistantes, arabes comme kurdes, ne fait pas non plus oublier que celles-ci jouent également leur propre partition : le clan oligarchique et mafieux Assad est largement responsable de l’effondrement de l’Etat syrien par sa monopolisation du pouvoir politique et économique au détriment de la satisfaction des revendications du peuple, tandis que l’Administration autonome du Nord-Est, issue initialement de la lutte héroïque des Kurdes syriens, a procédé il y a peu à l’arrestation d’un responsable du Parti communiste syrien et regarde impuissante les gangsters US piller les ressources du peuple.
La position officielle des autorités du Rojava, qui ont salué la chute de leur ex allié tactique, n'est d'ailleurs pas partagée par toutes les forces présentes au Rojava, notamment communistes révolutionnaires. Ainsi le TKP/ML (Parti communiste de Turquie/ Marxiste-Léniniste), qui combat aux côtés des YPG depuis le départ, a déclaré :
“ L’attaque des gangs djihadistes à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui fait partie de la politique américaine d’occupation et de démantèlement de la Syrie. C’est l’impérialisme américain qui forme les djihadistes et les équipe de toutes sortes d’armes.
D’un autre côté, des gangs djihadistes attaquent à la fois les villes syriennes et le Rojava sous le contrôle direct de l’État turc.
Que s'est-il passé en Syrie ; C’est la projection du plan mis en œuvre par les États-Unis et Israël pour renverser le gouvernement Assad et désintégrer la Syrie.
D’un autre côté, cela reflète l’objectif de l’État turc d’étrangler la révolution en occupant le Rojava. ”
Désormais, les djihadistes mènent la coalition qui détient le pouvoir réel et contrôlent plusieurs des principales villes. L’Armée nationale « syrienne » menace les populations kurdes. Israël s’empare chaque jour de nouvelles terres syriennes. Un scénario à la libyenne, avec un pays éclaté en morceaux, à la merci des impérialismes et des bandes armées mafieuses en guerre perpétuelle ; semble se dessiner. Scénario qui aggrave le risque d’un conflit régional, voire mondial, généralisé.
Le salut du peuple syrien et le retour à la paix passe par un large front uni anti-impérialiste que seule la classe ouvrière de Syrie, dans toute sa diversité et ses composantes nationales, peut efficacement diriger, pour restaurer l’unité et l’indépendance du pays, le retour à une vie civile normale par le désarmement des différentes bandes armées et mercenaires, le respect des libertés et droits démocratiques fondamentaux.
Comme nous le disons depuis treize ans, l’avenir de la Syrie sera décidé par les peuples de Syrie et par personne d’autres !
La Syrie doit cesser d’être le terrain de jeu des grandes puissances et doit revenir à ses habitantes et habitants !
Pour l’heure, la meilleure façon d’aider les peuples de Syrie est de combattre notre bourgeoisie impérialiste et son gouvernement, d’exiger le respect de l’indépendance et de l’intégrité de la nation syrienne.
Pas une arme, pas un soldat étranger en Syrie !
Retrait immédiat des troupes étrangères et de leurs supplétifs, à commencer par les troupes US, turques et israéliennes !
Retrait des sanctions meurtrières contre la Syrie et son peuple !
Stop à toute coopération militaire et policière avec l’Etat turc et l’Etat d’Israël !
Sortie immédiate de la France de l’OTAN !
Pas une base française, pas un soldat français à l’étranger !
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Pour une analyse plus approfondie du conflit syrien et notamment du rôle des différentes puissances impérialistes : https://inter.kke.gr/fr/articles/LEQUATION-MILITAIRE-POLITIQUE-EN-SYRIE/
Communiqué du Parti communiste de Turquie (en anglais) : https://www.idcommunism.com/2024/12/communist-party-of-turkey-in-syria-israel-and-usa-won-a-temporary-victory-using-jihadists.html?m=1
Communiqué du Parti communiste de Turquie/Marxiste-Léniniste (en turc): https://partizan-online6.net/partizan-suriye-halkinin-rojava-devriminin-yanindayiz/
Communiqué du Parti communiste palestinien bientôt disponible sur notre site internet.
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