Les travailleurs de la santé font face à l'abandon de l'Etat !
- Le 24/03/2020
- Dans Crise du Covid-19
Un témoignage nous est parvenu de la part d'Anton*, interne en anesthesie. Nous le savions, il nous le confirme. La lutte contre le Covid-19 n'est menée que par la volonté du personel soignant, forcé de faire face à l'épidémie malgré un manque de moyens total. Solidarité au personnel de santé en première ligne ! Merci pour leur héroïsme quotidien ! Mais jamais nous n'oublierons que ces sacrifices sont dûs à la rapacité des monopoles, dont les gouvernements successifs ont tout fait pour détruire l'hôpital public et la sécurité sociale.
Je suis interne en Anesthésie. En tant que soignant dans une équipe amenée à prendre en charge des malades lourds, ce n’est que vendredi dernier, le 13 mars, que nous avons réalisé l’ampleur de la situation. La semaine précédente est malgré la multiplication des cas en Ile-de-France et dans le Grand-Est, rien n’a été anticipé.
Depuis lundi 16 mars, nous sommes en plan blanc. Les blocs opératoires ont été déprogrammés à l’exception de ceux concernant la cancérologie et les urgences non différables, dont les IVG. Les femmes enceintes ont leur consultation d’anesthésie par téléphone. La salle de réveil se transforme en annexe de la réanimation, pour que celle-ci, avec ses box confinés, son matériel de ventilation adapté et ses dispositifs de traitement de l’air, puisse-t-être réservée à la prise en charge des patients « COVID + ». 20 lits au total.
De notre côté nous nous apprêtons à prendre en charge des patients de réanimation « tout-venant » ou « COVID - ». Nous avons passé l’hôpital au peigne au fin pour mettre en circulation le moindre respirateur, toute sorte de matériel nécessaire à la reconstitution de lits de réanimation. Les équipes informatiques ont monté en quelques jours un logiciel dédié à la surveillance des malades, où nous pouvons prescrire, centraliser les informations, consigner les évolutions… Le personnel se forme en urgence : le personnel de bloc étant un personnel hautement spécialisé, il faut leur apprendre toutes les procédures, les soins spécifiques à la prise en charge de malades comateux et intubés pendant de longues périodes. La tension monte, l’investissement et l’envie de faire le mieux possible est à son comble.
Nous avons reçu en salle de réveil nos premiers malades jeudi. C’est un peu l’émulsion dans le bloc, une quinzaine d’infirmier-es se pressent au lit de notre première malade au moindre soin, pour savoir répéter le geste au moment voulu. La nuit est plus disciplinée : 1 infirmier et un aide-soignant par patient (qui peut être en réalité un autre infirmier), c’est un face à face, le soin apporté au malade pris en charge est plein d’empathie et de douceur.
A la relève je fais la connaissance d’un infirmier en psychiatrie et qui a fait de la réanimation il y a longtemps, venu apporté son renfort. Un aide-soignant venu du privé est là pour l’aider. L’arrivée de nouveaux malades en salle de réveil est prévu dans la journée. Quand je prends mon repos de garde, 8 malades sont hospitalisés dans l’aile COVID +.
Ce dont je veux témoigner, c’est l’implication hors-paire des équipes, de la dévotion et de la débrouillardise dont ils font preuve. Mais il faut regarder les choses en face : aucun des moyens promis en grande pompe ne nous est parvenu.
Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait seuls, par la débrouillardise des cadres, des anesthésistes, des infirmiers, aides-soignants. Nous avons construit une réanimation en urgence, avec du matériel récupéré ici et là.
Là où je travaille, face à la pénurie de masque, des étudiants infirmiers ont été recrutés pour rafistoler du matériel issu de la grippe H1N1 en 2009, considéré comme périmé ou défectueux. D’autres sont réquisitionnés pour faire des gardes en temps qu’aide soignant sur des créneaux de 12h, ils ne savent pas s’ils vont être payés. On me dit que des techniciens de laboratoires récemment retraités ont été mobilisés, ils sont payés sans prise en compte de leur ancienneté.
Ce dont je veux aussi témoigner c’est l’absence d’anticipation. Dans chaque hôpital public de France, des équipes remuent ciel et terre depuis lundi pour s’adapter à une situation de crise sans précédent, parfois après que l’épidémie se soit propagée et ait submergé les services de soins intensifs. Et aujourd’hui on nous dit qu’ils avaient les moyens de savoir.
Alors que les capitalistes sont entièrement responsables de cette crise, ils essaient maintenant de nous en faire payer le prix financier, et d'en profiter pour détruire nos droits. Ne les laissons pas profiter du confinement pour nous baillonner ! Soyons nombreux à prendre la parole, pour faire entendre notre classe, continuer la lutte et préparer un retour en force !
* Prénom changé pour respecter l'anonymat.