Sur la situation en Biélorussie
- Le 21/08/2020
- Dans Actualité
Depuis le 10 août, la Biélorussie est secouée par des manifestations contestant le résultat des élections présidentielles.
Selon les résultats officiels, Alexandre Lukashenko, dirigeant de la République de Biélorussie depuis 1994, a été réélu avec 80% des voix.
L'opposition, menée par Svetlana Tsikhanovskaïa, avait d'ores et déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats si Lukashenko était déclaré vainqueur. Le soir du 10 août, elle s'est auto-proclamée vainqueure.
Des affrontements entre soutiens de la candidate et forces de l'ordre ont aussitôt éclatés dans les villes principales du pays.
L'Union européenne a depuis prononcé des sanctions contre le gouvernement et soutenu les revendications de Tsikhanovskaïa.
Tout d'abord nous dénonçons toute forme d'ingérence étrangère, en particulier du gouvernement français et de l'UE. Nous condamnons les provocations militaires de l'OTAN à la frontière polono-biélorusse. Il est évident que les bourgeoisies impérialistes coalisées au sein de l'UE-OTAN cherchent à accentuer les pressions sur ce pays et, indirectement, à provoquer leur rival russe.
Sans approuver les méthodes répressives du gouvernement bourgeois biélorusse, il est difficilement contestable que ces troubles ont été préparé bien amont. Depuis juin, les médias pro-occidentaux comme pro-russes orchestrent en effet une campagne de déstabilisation tandis que les agences fédérales US (au premier lieu l'USAID et le NED) font couler l'argent à flot pour organiser l'opposition.
L'extrême droite régionale, notamment les bandes néo-nazies ukrainiennes, n'est en reste. On sait par ailleurs que, parmi les manifestants, se trouvent des activistes néofascistes ukrainiens, à l’image de proches de l’ancien commandant adjoint du bataillon fasciste ukrainien « Azov » et ancien député au Parlement ukrainien Igor Mossijtchouk, ou du groupe fasciste russe « Russie ouverte », qui ont été interpellés par la police biélorusse.
Il est aussi difficile de contester que le programme de Svetlana Tsikhanovskaïa est un programme ultra-libéral, visant à ouvrir complètement le marché biélorusse aux marchés européens et nord-américains.
La Biélorussie est en effet une des rares ex-Républiques soviétiques à avoir conservé un secteur public important, notamment dans l'industrie lourde, ainsi que certaines conquêtes sociales soviétiques (gratuité de la santé, de l'enseignement y compris supérieur, retraite garantie à 60 ans, 55 ans pour les femmes...). La volonté de la bourgeoisie d'Etat biélorusse de préserver sa position dominante l'a contrainte de ne pas procéder à la liquidation complète des conquêtes du socialisme comme cela a été le cas dans toute l'URSS en 1987-1993. On note ainsi une faiblesse relative de la pénétration du capital privé, qu'il soit biélorusse, russe, européen ou nord-américain.
Cette volonté de préserver un semblant d'indépendance nationale contrarie l'impérialisme russe comme les impérialismes européens et l'impérialisme US. Il y a quelques mois, Poutine imposait ainsi à la Biélorussie un relèvement de 30% des tarifs gaziers afin d'obtenir des réformes économiques visant à "ouvrir" davantage le pays aux monopoles russes. En juin, des mercenaires russes avaient été arrêtés par les forces spéciales biélorusses.
Toutefois le régime de Poutine ne peut se permettre de perdre un allié stratégique face à l'encerclement de la Russie par l'axe USA-UE.
C'est donc en jouant sur ses contradictions inter-impérialistes, autant que sur les contradictions de la bourgeoisie de son propre pays, que Lukashenko est parvenu à se maintenir au pouvoir pendant 24 ans.
Mais, depuis 2011, son gouvernement a accentué la pression sur la classe ouvrière et les couches populaires, en rognant l'accès aux services publics, en bloquant les salaires, en augmentant les prix, en initiant des politiques de privatisation dans l'industrie. En 2017 il a même tenté d'instaurer une taxe "anti-parasite" visant les chômeurs! La classe ouvrière répondit par une riposte massive, contraignant le pouvoir à faire demi-tour. Toutefois, elle n'a pu empêcher la suppression du statut des travailleurs des entreprises d'Etat, remplacé par un CDD de 5 ans renouvelable.
Ces mesures ont été dénoncées par le Parti Communiste des Ouvriers de Biélorussie (PCOB), scission du Parti Communiste de Biélorussie (PCB), membre de la majorité présidentielle. Le PCOB dénonce le caractère antipopulaire pris ces dernières années par le régime de Lukashenko. Il milite notamment pour la reconstruction d'un mouvement ouvrier indépendant du pouvoir bourgeois, suite à la dérive opportuniste du PCB. Cela lui vaut d'être persécuté par l'Etat biélorusse. Les communistes et syndicalistes de classe se voient ainsi contraint à une situation de semi-clandestinité.
Face au caractère autoritaire, voire bonapartiste, de ce gouvernement, certains militants ouvriers et progressistes de notre pays se réjouissent du mouvement de protestation, et notamment de l'intervention de groupes de travailleurs industriels du secteur d'Etat.
Il est incontestable que les grèves et les manifestations en cours reposent sur un réel mécontement populaire, aggravé par l'autoritarisme du pouvoir et sa gestion catastrophique de la crise du Covid-19 (des centaines de milliers de Biélorusses travaillant en Russie ont été privés d'emploi, sans aucun droit à l'indemnisation).
Toutefois, le caractère de classe d'un mouvement ne s'analyse pas en fonction du nombre d'ouvriers qui y participent (qui reste à déterminer), mais bien sur son orientation politique.
Hors le contenu politique est clair: il s'agit d'appuyer les prétentions de Svetlana Tsikhanovskaïa à la présidence de la République.
De plus, les "leaders" des grèves s'avèrent bien souvent être...les patrons "publics" des entreprises d'Etat.
Il ne s'agit donc pas d'une "grève générale" comme certains militants d'extrême gauche l'ont proclamé sur les réseaux sociaux, reprenant sans recul la presse bourgeoise pro-atlantiste.
Il faut être lucide: les puissances impérialistes occidentales se servent du mécontentement populaire pour orchestrer un nouveau "Maïdan", cette fois ci à Minsk. Nous ne devons pas oublier que les mêmes qui crient leur soutien à la "révolution biélorusse" furent les mêmes qui soutinrent le putsch réactionnaire en Ukraine en 2015, ouvrant la voie à la terreur nazi-fasciste dans le pays.
L'UE et l'OTAN veulent imposer un "gouvernement de transition" qui ouvrirait la voie au démantèlement de toute forme de souveraineté nationale, transformant le pays en semi-colonie, comme c'est le cas en Ukraine.
Une telle évolution serait non seulement catastrophique, comme le soulignent eux même les opposants progressistes à Lukashenko, mais serait dangereuse pour la paix et la stabilité de la région. Le basculement de la Biélorussie dans le camp euro-atlantique signifierait une aggravation sans précédent des tensions inter-impérialistes, rapprocherait d'un conflit avec la Russie.
Nous proclamons donc notre solidarité avec les militants du Parti Communiste des Ouvriers de Biélorussie, avec tous les militants ouvriers sincères qui se battent pour préserver les conquêtes sociales que leur a légué le prolétariat soviétique, dans la perspective d'une restauration du pouvoir ouvrier dans ce pays comme dans toute l'ex-URSS. Mais ce combat ne peut réussir qu'à condition de préserver l'indépendance nationale de la Biélorussie. Il ne peut réussir que si la classe ouvrière s'organise, indépendamment de toute ingérence étrangère comme du pouvoir bourgeois.
Communistes agissant sur le territoire d'une des principales puissances impérialistes, pilier de l'UE et de l'OTAN, nous avons pour devoir de nous opposer à notre bourgeoisie et à ces plans destructeurs, qui ne font qu'apporter la misère et la guerre en Europe de l'Est comme dans tant d'autres régions du monde.
A bas les ingérences impérialistes!
A bas l'UE!
A bas l'OTAN!
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